Batailles d’Ypres et de Passchendaele : 7 Internationaux de Rugby Ecossais fauchés par la guerre

26 avril 2018

SEPT Internationaux de Rugby Ecossais ont perdu la vie durant les Batailles d’Ypres et de Passchendaele durant la 1ère guerre mondiale. La Belgique, l’ouest de la ligne de Front leur rend hommage en s’associant à la France sous fond d’ovalie.


En Belgique, à l’ouest de la ligne de front, il y a du nouveau.


Rappel historique
La bataille du Front Ouest s’étendait du chemin de Dames dans l’Aisne, à la Somme (bataille catastrophique avec 58 000 soldats tués ou blessés dès la 1ère journée), le Nord avec la Bataille de Cambrai (point clé pour le ravitaillement de la ligne Hindenburg), le Pas-de Calais avec la fameuse Bataille d’Arras et la Belgique avec les 4 Bataille d’Ypres et de Passchendaele était essentiellement couverte par les troupes alliées : britanniques, canadiens, australiens, néo-zélandais et sud-africains contre les troupes allemandes.
Parmi eux des sportifs et en particulier des internationaux de rugby, 31 Ecossais c’est le nombre le plus important pour une nation en termes de pertes, 28 pour les Anglais et 22 pour les Coqs Français pour ne citer que ces nations. 7 de ces Ecossais furent fauchés sur les terres flamandes. L’association Mémoire de Rugby Events créée par Patrick Sandou, Christian Raoult et Patrick Caublot a retrouvé leurs traces. Mais avant de parler de nos rugbymen, la complexité du secteur d’Ypres méritait quelques explications. Les batailles d’Ypres, fut un ensemble de conflits sanguinolents et destructeurs en 4 actes. Effectivement, 4 batailles portent le nom de batailles d’Ypres, dans les faits c’est le Verdun des Britanniques. Pour les camps ennemis, elle signifiera la fin de la guerre de mouvement, chacun se fera désormais face dans des tranchées.



La 1ère bataille d’Ypres (29/10 au 24/11/1914)  ; aussi appelée bataille des Flandres, marque, avec la bataille de l’Yser, la fin de ce que l’on nomma à l’époque la course à la mer, les Allemands qui étaient 6 fois plus nombreux que les alliés firent face à une très solide résistance des Britanniques. C’est aussi durant cette période qu’à Noël que les soldats Allemands entonnèrent des chants et mirent hors de leurs tranchées des sapins de Noël. Les deux camps étaient épuisés et choqués par l’étendue des désastres, les Allemands prirent l’initiative et appelèrent les Britanniques à venir les rejoindre au milieu du no man’s land. Ils échangèrent des cadeaux, discutèrent et jouèrent au football mais il est à parier que certains soldats britanniques envisagèrent de jouer au rugby avec leurs adversaires. Le 2nd acte s’est déroulait du 22 avril au 25 mai 1915, les Allemands ont voulu prendre le contrôle de la ville, après leur offensive de l’automne 1914. C’est ici que l’Armée allemande utilisa pour la première fois des gaz de combats toxiques à grande échelle. La 3ème bataille est celle de Passchendaele (31/7 au 06/11/1917), elle a permis de soulager la pression mais les pertes furent énormes : 250 000 britanniques et 260 000 Allemands disparurent ou furent noyés dans la boue. C’est dans cette bataille que Gallaher capitaine néo-Zélandais de rugby aux 6 sélections perdit la vie. La 4ème et dernière bataille (9/4 au 29/4/1918), aussi appelée bataille de la Lys fait partie de l’ensemble des offensives allemandes pour reprendre avec acharnement Ypres. L’état-major allemand bénéficiait du renfort des troupes ramenées de Russie, les alliés furent renforcés entre autres par la 2nde division portugaise, qui perdit plus de 7000 âmes. Les Allemands prirent tout de même Messines, les Belges tinrent leur front et les Britanniques et Français s’engagèrent dans une terrible lutte au Mont Kemmel, point stratégique au combien avantageux. Malgré une percée allemande, ce dernier acte s’acheva sans que l’armée allemande puisse espérer atteindre son objectif qui était de déferler vers la France par les ports de la côte belge et française. Des dizaines de milliers de morts. Ypres deviendra pour les Britanniques le symbole de pertes énormes et de la résistance acharnée. Le monde du rugby vit disparaître 27 internationaux : 8 Anglais dont le marqueur d’essais et Capitaine pensionnaire d’Oxford Poulton, 2 Irlandais, 4 Gallois, 6 Néo-Zélandais, et malheureusement l’Ecosse de Turner avec 7 des leurs.


L’armée alliée a permis aux troupes françaises de combattre sur le front Est. Effectivement, pendant une grande partie de la guerre, l’armée allemande fut dans une impasse, avec une ligne continue de tranchées s’étendant de la côte belge à la frontière Suisse. L’objectif des alliés fut de percer les défenses allemandes en campagne et d’engager l’armée allemande dans une guerre de mouvement. Ces nations alliées comptaient dans leurs rangs de nombreux sportifs. Parmi ces hommes tombés dans la bataille d’Ypres, 7 rugbymen Ecossais ont fait le sacrifice de leur vie. L’’Ecosse est la nation du rugby la plus impactée par la 1ère guerre mondiale. L’association Mémoire de Rugby Events a retrouvé et suivi leurs traces en Belgique après avoir organisé une commémoration dans la Somme en 2017 et en Ecosse en 2018 parachevée par la remise du trophée de la Auld Alliance à l’Ecosse, équipe vainqueur de la 1ère édition. Au travers de Milroy nous avons retrouvé le nom et le visage des 15 joueurs de l’équipe Ecossaise qui a affronté la France en 1913, c’est une première, et nous avons également reconstitué le parcours de vie de ses 31 hommes.

Gallaher a donné son nom au trophée disputé entre la France et les All Blacks, nous avons décidé, l’Association Mémoire de Rugby et la famille Anderson dont David Anderson QC éminent juriste de la couronne d’en créer un entre la France et l’Ecosse. Ce trophée « The Auld Alliance Trophy », où sont gravés les noms d’Eric Milroy décédé dans le bois de Delville (Somme) et de Marcel Burgun aviateur français décédé sur le front Est, fut présenté par les enfants rugbymen descendants des deux familles. Il rend hommage aux rugbymen Ecossais et Français tombés durant la 1ère guerre mondiale en plus, il permet de souligner la plus ancienne des alliances entre les deux nations qui date de 1295. La Belgique du rugby n’est pas si éloignée de nous, beaucoup de Belges disputent des championnats en France y compris chez les professionnels, c’est pour cette raison qu’en plus du contexte historique, il nous est apparu évident d’associer les Belges qui viennent souvent à Lille voir des matchs.


Le Club de Nivelles est venu en 2017 à Amiens disputer le tournoi commémoratif qui a été l’un des supports des négociations du projet avec la FFR et la Scottish Rugby Union, ayant déjà les validations de la Mission du Centenaire et du Ministère des anciens combattants. En associant ces 7 rugbymen Ecossais qui ont sacrifié leur vie dans la bataille d’Ypres nous souhaitions n’oublier personne ni les rugbymen ni les citoyens de toutes les nations engagées dans le conflit et la Belgique a largement pris part à cette terrible guerre.
Nous sommes donc venus les rencontrer au Menin Gate d’Ypres, au Reservoir Cemetery, au Ridge ou Sanctuary Wood, au Talana Farm Cemetery ou encore au cimetière de l’Église de Kemmel pour honorer leur mémoire.


Il s’agit de Patrick Blair, d’Andrew Ross, de James Private Ross, de James Pearson le 3/4 centre au poids plume et préféré des Watsonians, de James Young Milne Henderson, de Lewis Robertson célèbre pilier ayant fait ses études à Cambridge (les Bleu clairs), et de Frederick Harding Turner capitaine, buteur et étudiant d’Oxford (les Bleus foncés) tué au Mont Kemmel comme l’arrière-grand-père de notre président Patrick Caublot. Deux de ces héros sont célébrés dans la nouvelle galerie de Murrayfield dédiée à la 1ère guerre mondiale.

Parlons histoire de rugby, en 1911, c’est l’année du deuxième tournoi des cinq nations remporté par le Pays de Galles qui réalise le 1er Grand chelem. De son côté, la France remporte son premier match sur une nation britannique en disposant de l’Écosse à Paris sur le score de 16-15 et évite ainsi la cuillère de bois. Milroy, célèbre capitaine et Lieutenant du 9ème bataillon Black-Watch devient la figure emblématique et le point de ralliement de tous ces joueurs qui ne sont pas revenus du front.

Pour Christian Raoult, de l’association Mémoire de Rugby est sastifait du chemin parcouru car cela récompense le travail des bénévoles originaires du nord comme du sud. Et pourquoi pas bientôt nos chers cousins Belges ? Cela célébre aussi l’amitié de deux nations qui s’estiment. Il souligne que Turner faisait partie avec Milroy, Blair, et Sutherland de la victoire revancharde de l’Écosse à Paris en 1913 par 21-3 où Turner était capitaine, flanker et buteur.

En 1914-1918, les Écossais, Belges et Français combattaient épaules contre épaules pour repousser l’invasion allemande, de nos jours les rugbymen s’affrontent sur le terrain. Au classement mondial des nations de rugby, la Nouvelle-Zélande est toujours 1ère, l’Écosse 5ème, la France 8ème et la Belgique 25ème pas si loin de la 20ème place qualificative pour la coupe du monde 2019. 20ème place qui lui permettrait de rejoindre les nations alliées dans la fraternité sportive du terrain. . Doit-on y voir un symbole qui remémorerait l’esprit combatif et le sacrifice des soldats alliés ? Leurs mânes seront présents le 29 avril 2018 en Belgique pour les commémorer.