Gérard Labbe, itinéraire d’un bénévole devenu président de l’association du Stade Toulousain (loi 1901).

6 octobre 2020

Une jeunesse où il se passionne pour le rugby dans une région du ballon rond…

Gérard Labbe est originaire du Nord, précisément il est né à Lille à la maternité St Anne située en face de la fameuse institution scolaire et universitaire La Catho. Il a vécu toute sa jeunesse à Marcq en Baroeul dans la proche banlieue de Lille. Sa scolarité, il la suit jusqu’à la classe de 6ème dans un collège de Marcq puis à Loos, (à ne pas confondre avec Loos en Gohelle dans le Pas de Calais) où il obtient son baccalauréat à l’âge de 17 ans.


Plutôt footballeur à ses débuts, sport oh combien développé dans le Nord, Gérard précise qu’il n’existait pas de club de rugby à Marcq à cette période. Il découvre le ballon ovale alors qu’il n’a que 12 ans en regardant le tournoi des V Nations commentés par Roger Couderc sur un écran de télévision qui se trouvait au centre social de l’entreprise « DANEL ». Le siège social de celle-ci se trouvait au 69 rue Calmette, à deux encablures de la maison familiale des « Labbe » au numéro 83 de cette même rue. A cette époque, la plupart des maisons des employés appartenaient aux usines ou entreprises comme c’était le cas pour Renault, les Banques, la SNCF ou la HBNPC (Houillère du Bassin du Nord et du Pas de Calais) pour ne citer que celles-ci.
En 1954, « DANEL » change de nom pour se nommer : « Chocolat Delespaul-Havez », dirigeait par un certain Monsieur Fauchille, son fondateur. Ce dernier inventa le célèbre CARAMBAR (caramel en barre) sur l’inspiration des ses enfants et d’un accident de mélange de caramel et de cacao causé par une machine déréglée. Cette machine aurait fabriqué du caramel en barres, cette marque connue mondialement dont l’emballage a égayé les consommateurs par ses fameuses blagues jusqu’en 2013. Depuis 2017, la société est devenue la propriété du fonds d’investissement français Eurazeo.

En poursuivant ses études supérieures à Bordeaux, il continue à s’intéresser au ballon ovale, Tarbes, Carrère, le 1er Grand Chelem de 1968…
Revenons à notre personnage, le jeune Labbe rejoint Bordeaux avec son baccalauréat en poche et avant sa majorité pour y suivre des études de droit à l’Université. A Bordeaux, il rencontre une tarbaise, elle aussi passionnée d’ovalie avec qui il assiste à de nombreux matchs dont les fameux derbys Bègles Bordeaux – Stade Tarbais. Les deux complices voient les débuts de Christian Carrère (troisième ligne aile qui porta les couleurs de Tarbes puis de Toulon), qui fut le capitaine du XV de France 18 fois sur ses 27 caps, vainqueur de trois tournois des V Nations et surtout le 1er grand chelem du XV tricolore en 1968.


(Droit d’auteur Francis pour Pinterest).

Au passage, on peut noter que Carrère a joué avec les bleus comme, Jo Maso, Walter Spanghero, Elie Cester, Jean Gachassin, Pierre Villepreux, les frères Camberabero ou Jean Pierre Lux . Carrère a eu l’honneur de gagner avec le XV de France, le 13 janvier 1968, le match contre l’Ecosse à Murrayfield en ouverture du tournoi. L’Ecosse comptait dans ses rangs le célèbre pilier, David Rollo (David Miller Durie Rollo) surnommé « Le prince » ou le 40/40.


Effectivement ce joueur compte 40 sélections avec le XV de chardon en première ligne et joua étonnamment jusqu’à l’âge de 40 ans avec son club d’adoption, les Howe Of Fife situé près de St Andrews. D’ailleurs, un correspondant du journal : The Scotsmam, Andrew Arbuckle, lui consacra un beau livre paru en 2016 « Local Hero ».


Pour Carrère et les siens, les victoires s’enchaînent et se terminent en beauté à l’Arms Park de Cardiff, le 25 mars, par une superbe victoire 14-9, ouvrant la voie aux quinze coqs tricolores couronnant la réussite du XV tricolore de la série des grands chelems, neuf à l’heure actuel dont le dernier remonte à 2010.

Après l’obtention de son concours du Trésor Public et sa formation, il rejoint la ville rose et confirme sa passion avec sa famille.

Les études de Gérard lui permettront de réussir brillamment le concours du Trésor public. Après la formation Parisienne de l’école du Trésor, il est affecté à l’âge de 25 ans à Toulouse où il réside depuis, se marie et a deux enfants. A l’âge de 10 ans son fils Frédéric le sollicite pour jouer au rugby. La famille prend naturellement la route, direction le stade Toulousain pour y effectuer les modalités d’inscriptions qui à l’époque utilisé les installations du stade des Ponts Jumeaux. Passé 6 mois, Gérard devient éducateur des poussins, il accompagne les enfants à tous les matchs, il propose de donner un coup de main au club, ce qui fait qu’aujourd’hui Gérard Labbe a un actif de 44 ans de bénévolat et ce n’est pas fini. En parallèle de son aide au club, il suit son fils durant ses matchs dont un mémorable 8ème de finale contre Dax. Par la suite, Frédéric rejoindra le club de Muret et le TOAC le club de l’aérospatial où il entame une belle carrière professionnelle à Marignane chez Eurocopter filiale d’Airbus. Gérard de son côté, poursuit son parcours de bénévole, pas à pas, au sein du Stade Toulousain, d’abord comme encadrant d’équipes puis comme Secrétaire Général jusqu’en 1996.

1996, séparation juridique de l’organisation et continuation de son investissement comme bénévole…

Le 1er juillet 1996, la séparation juridique imposée par la mise en place du professionnalisme dans le Rugby (fin 1995), place Gérard Labbe à la tête de l’association (loi de 1901) du Stade Toulousain avec en plus l’encadrement de la section des juniors Reichel. A ses côtés René Bouscatel, prend la place de Président du Stade Toulousain de 1992 à 1996, puis de la SAOS (société anonyme à objet sportif). Effectivement pour se mettre en conformité avec la réglementation, la SAOS est crée avec un Président bénévole et un Conseil d’Administration de 12 membres, cette organisation va perdurer jusqu’en 2002 pour devenir une SASP (société anonyme sportive professionnelle) son statut actuel.

Des accidents de la vie qui le renforcent…

Après un premier mandat de 4 ans (1996 à 2000) à la tête de l’association et pour suivre le déplacement des Reichel en stage, Gérard, s’aperçoit que le jeu de maillot a été oublié. Il descend du bus pour téléphoner (nous étions aux balbutiements des téléphones portables) et se fait percuter de plein fouet par une voiture. Arrivé à l’hôpital le diagnostic est sévère : paraparésie, c’est-à-dire paralysie partielle des membres inférieurs. Gérard le battant va marcher avec des cannes. Durant cette période, le club assiste à l’arrivée de Jean Fabre, jusqu’à sa transformation. Gérard prend le poste de trésorier de l’association, puis de Secrétaire Général.
En 2002, un nouvel accident de la vie survient, Gérard est cette fois victime d’un infarctus dont il se remet bien. Plus tard, un autre évènement le contraint à retourner à l’hôpital, où la femme de Guy Noves, trouve le bon diagnostic : une fissure aortique. Ses accidents le renforcent dans sa personnalité et sa persévérance à servir le rugby de la ville rose et de son équipe fanion « la vierge rouge », nommé ainsi en 1912, car cette année Toulouse demeure invaincu et champion de France contre le Racing club de France.


(Zéba TRAORÉ, préparateur physique du Stade Toulousain devant le monument présentant le palmarès du Stade Toulousain de 1912 à 2020.)

Jusqu’en 2010, G. Labbe est chargé des jeunes au sein de l’association, puis il prend les rênes de la présidence de l’association durant 10 ans et encore aujourd’hui. En 2019, il participe au couronnement des « Rouges et Noirs » pour leur 20ème titre, le bouclier de Brennus est conservé dans l’enceinte du stade Ernest Wallon en 2020 pour cause de Covid-19 et fait bien les affaires du club qui y voit un bel hasard historique.

Sa vision, son explication d’un tel succès dans l’hexagone..
Pour G Labbe, le succès du Stade Toulousain, club incontestable autant dans l’hexagone qu’en Europe (4 fois champions d’Europe) est lié pour l’essentiel à la formation et à la coopération de ses membres. Au Stade : « nous travaillons tous de concert, tous ensemble, nous partageons la même culture, les mêmes valeurs, il n’y a pas de remise en cause de notre modèle de formation, dont certains clubs s’inspirent. Le Centre de Formation, l’association et les professionnels sont au même étage, tout est imbriqué, nous partageons l’ensemble des problématiques des différentes entités pour les solutionner en coopérant de manière optimale. Nos résultats, s’agissant des jeunes, des pros, des filles ou du nombre d’internationaux formés par le club, ils parlent pour nous, ils sont connus par le monde du rugby. Les 29 autres clubs professionnels disent de Toulouse : vous, ce n’est pas pareil ». Cela peut être le début d’une explication d’une telle réussite.
Gérard indique : « il y a toujours quelqu’un derrière le club » c’est une véritable famille.


Le Stade Toulousain base une grande partie de sa stratégie et de son évolution sur la formation. Le jeu, la culture du jeu toulousain est partagée par l’ensemble des éducateurs et des entraineurs. Les apprentissages sont mis en place par les anciens du club qui participent au management et à la genèse de la formation. Pour imager son propos G. Labbe précise qu’Émile N’Tamack qui a en responsabilité l’ensemble des équipes jeunes partage cette même vision avec l’entraineur des Espoirs, Clément Pointrenaud. Les 60 joueurs espoirs du Stade Toulousain disposent de 6 entraineurs dont un britannique, ce dernier a donc accepté cette chaîne de valeurs « Made In » Toulouse qui fait l’ADN et la force du Stade Toulousain qui rappelons le est consacré 20 fois champion de France entre 1912 et 2020.

M. Labbe, qu’en est-il du rugby féminin ?
L’équipe féminine est excellente également et se partage depuis plusieurs années la finale du Championnat Elite avec sa rivale méditerranéenne Montpellier. Depuis plus de trois ans, l’ancienne structure du Stade Toulousain Rugby féminin a été intégrée à l’association originelle. Rappelons au passage que les premières traces du rugby féminin dans l’hexagone date de 1920-1922 dont l’une des principales équipes se nommait les Violettes Bressanes. Beaucoup de match se disputaient clandestinement notamment au Stade Elisabeth situé dans le 14ème arrondissement de Paris. Les hommes voulaient en interdire la pratique : « c’est trop dangereux pour elles et sans élégance (Frantz Reichel, joueur au RCF puis au SCUF, sportif de haut niveau et l’un pionnier du journalisme sportif, 1922) ». Les règles étaient différentes de celles pratiquées par les hommes. Les femmes avaient leur propre fédération comme c’était le cas dans d’autres disciplines sportives. C’est en 1989, il ya 31 ans, que le rugby féminin a été intégré à la FFR. Il semblerait que la FFR envisage une réforme de ce secteur, comme le rugby à 5, avec pour principe évoqué que les 30 meilleures joueuses prennent leur licence directement auprès de la FFR et non plus dans les clubs. Ceci aurait pour corollaire de diminuer l’influence des clubs de Montpellier et de Toulouse qui fournissent une grande partie du vivier de l’équipe de France féminine. Cette optique ne semble par convenir au club de la ville rose, comme à d’autres clubs.

Gérard Labbe est fidèle à ses racines nordistes et n’oublient pas de le rappeler, il continue de faire ses deux allers-retours annuels.

En 1999, avec l’ancien président de l’olympique Marcquois Rugby, club créé en 1971, Michel Plaoust (puis Didier Cottenye et Fred Halluin), il signe la 1ère convention entre les deux associations à la mairie de Marcq. Pour l’histoire, le Maire actuel Bernard Gérard, a acheté la ferme entre le stade de Marcq en Baroeul et la voie ferrée, c’est dans cette ferme que les Labbe allaient acheter du lait. Quelle fut la belle surprise quand Gérard eut l’occasion de faire visiter la ferme de sa jeunesse à ses enfants et ses petits enfants.
La convention signée se caractérise par la présence d’une banderole aux couleurs du Stade Toulousain dans l’enceinte nordiste mais pas uniquement, cette convention c’est aussi un beau souvenir que Gérard aime à raconter car il a reçu la médaille de la ville de Marcq en Baroeul et c’est surtout une histoire d’amitiés avec Didier Cottenye. La convention va plus loin, participation d’une équipe de jeunes U14 au tournoi G Labbe organisé chaque année dans le Nord et rebaptisé depuis tournoi Labbe / Cottenye. Le vainqueur de ce tournoi est qualifié pour le : « super challenge » organisé à Toulouse. Présence de joueurs internationaux sur des événements, descente à Toulouse pour une séquence d’entrainements de trois jours comme ce fut le cas en 2019 pour l’équipe première de Marcq sous l’égide de leur entraineur Philippe Caloni. Il est à noter que l’équipe nordiste accédera pour la 1ère fois au championnat de fédérale 1 pour la saison 2020/2021, où feu le Lille Métropole Rugby avait fait bonne figure de 2008 à 2015. Le partenariat fonctionne aussi dans l’autre sens, trois jeunes Marcquois ont rejoint il y a quelques années les Espoirs du Stade Toulousain dont un certain Tolofua.
La notoriété du Stade Toulousain va bien au-delà de Toulouse et de l’hexagone comme chacun le sait, elle permet d’ancrer la culture rugby dans différentes régions de France, et au moins jusqu’en en Belgique. Elle permet de créer un imaginaire chez les jeunes, de les motiver, qu’ils se projettent dans un avenir autour des valeurs du rugby et pas seulement être le rêve de devenir, un jour professionnel ou portant le maillot frappé du coq. Les fondations du Stade Toulousain lui permettent de naviguer et de franchir des caps plus difficiles.

Gérard, qu’est ce qui vous tient à cœur particulièrement ?

La préparation des joueurs, c’est indispensable. Un joueur de Balandrade ne peut arriver sans une préparation physique spécifique qui lui permettra de s’adapter quand il change de club et de niveau. G.L. : « Thierry Saviot, notre préparateur physique mesure par exemple la résistance vertébrale, il a mis en place un exercice assez simple de renforcement des cervicales à l’aide d’un medecine-ball, qui, à l’époque, a été une véritable innovation suivie par d’autres clubs ».
Pour conclure  : Le Stade Toulousain force le respect et l’admiration des jeunes et moins jeunes rugbymen ou passionnés d’ovalie. La formation, la préparation, le partage d’une même culture à toutes les strates de l’organisation en font une matrice robuste et agile que l’on envie. L’humilité au sein du collectif permet de conserver un regard lucide pour aborder l’avenir avec sérénité.
Serge Lemaire, auteur du livre « Stade Toulousain une institution (2016) », a cherché à comprendre le système de pensées du club, à percer ses mystères. Selon lui : « La difficulté n’est pas de progresser mais bien de se maintenir sans cesse au plus haut niveau économique et sportif tout en veillant à garder ses valeurs et à demeurer une école de fraternité. Il précise que la gouvernance doit rester démocratique en gardant des dirigeants bénévoles, et préserver son modèle. Le Stade Toulousain appartient aux toulousains, il restera cette Institution que nous aimons aussi longtemps qu’il gardera sa relation directe avec sa Ville et ses habitants, il aura, sans doute, à résister… encore ».


(Alexi BALES, Stade Toulousain saison 2020-2021)


(Yoan HUGET, Stade Toulousain saison 2020-2021)
Le Stade Toulousain, bien plus qu’un jeu de mains, cette ancienne devise qui d’ailleurs été adaptée par le Rugby club d’Arras : « Jeu de passes, jeu d’Arras » a effectivement changé sa devise, pour : « Jouer nous fera toujours grandir ». Celle-ci résume asse bien et confirme l’ancrage historique et l’identité de ce club « agile » présidé par Didier Lacroix, aidé de ses équipes et de ses bénévoles, comme M. Gérard Labbe.